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où la fonction existe) en une infinité de régions ou de polygones curvilignes, de telle façon qu'on puisse obtenir toutes ces régions en appliquant à l'une d'elles toutes les transformations du groupe. La connaissance de la fonction à l'intérieur d'un de ces polygones curvilignes entraîne sa connaissance pour toutes les valeurs possibles de la variable.

Il est aisé de voir quelle est l'espèce particulière de groupes discontinus qu'il convient d'introduire. On se rappelle quel est le mode de génération des fonctions elliptiques : on considère certaines intégrales appelées de première espèce, ensuite, par un procédé connu sous le nom d'inversion, on regarde la variable x comme fonction de l'intégrale; la fonction ainsi définie est uniforme et doublement périodique.

De même ici, nous envisagerons une équation linéaire du second ordre et, par une sorte d'inversion, nous regarderons la variable x comme fonction, non plus d'une intégrale, mais du rapport z des deux intégrales de notre équation. Dans certains cas, la fonction ainsi définie sera uniforme, et alors elle demeurera inaltérée par une infinité de substitutions linéaires changeant z en (alpha*z + beta)/(gamma*z + delta). Pour cela, le groupe formé par ces substitutions doit être discontinu, et il est aisé de voir que les polygones curvilignes dont il a été question plus haut sont limités par des arcs de cercle. J'ai supposé d'abord que les coefficients des substitutions (z, (alpha*z + beta)/(gamma*z + delta)) étaient réels ou, ce qui revient au même, que ces substitutions n'altéraient pas un certain cercle appelé fondamental. Dans ce cas, les arcs de cercle qui servent de côtés à nos polygones curvilignes sont orthogonaux à ce cercle fondamental.

Quelle est alors la condition pour que le groupe engendré par un polygone curviligne donné soit discontinu? Pour résoudre ce problème, il y avait à surmonter une difficulté spéciale que je veux expliquer en quelques mots. Partant du polygone curviligne générateur, on construit aisément les polygones voisins, puis les polygones voisins de ceux-ci, et ainsi de suite. On a ainsi une sorte de surface qui va sans cesse en s'accroissant, et ce qu'il s'agit de faire voir, c'est que cette surface ne va pas se recouvrir elle-même partiellement ou totalement, c'est-à-dire qu'un polygone nouvellement annexé à notre surface ne va pas recouvrir en partie un polygone anciennement construit. Pour cela, il ne suffit pas de remarquer que notre surface est simplement connexe et sans point de ramification (unverzweigt). Cette façon de raisonner n'est qu'un paralogisme qui a déjà entraîné quelques savants dans diverses erreurs et qui, dans le problème qui nous occupe, nous égarerait certainement. II faut encore faire voir que la surface recouvre une partie du plan qui est elle-même simplement connexe (