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Tu ne peux plus garder ton secret lourd, ô Maître !
Nous courberons le front devant la vérité.
Et les saints Immortels, dont on te croit le prêtre,
Auront, avec le doute et l’espoir, cessé d’être,
Du jour où tu compris qu’ils n’ont jamais été.

Vois ! toute œuvre d’erreur d’elle-même s’abroge ;
Le temps coule. Le vent du désert syrien,
Goutte à goutte, a tari l’eau claire de l’horloge :
Sur le mur étoilé qu’en vain l’homme interroge,
Les Dieux n’ont rien écrit, et Dieu n’écrira rien.

Tu l’as enfin senti qu’il nous faut ta parole !
Puisque tu t’es dressé sur le Monde à genoux,
Sors de l’antre de gloire où ta douleur s’isole :
Comme on tire un rideau sur la mort d’une idole,
Ton geste va fermer les cieux… Descends vers nous !


L’HOMME SUR LA MONTAGNE


Mes pas avaient franchi le cercle de l’enceinte.
La pierre était carrée et fruste où je m’assis,
Sur le plus haut gradin de la montagne sainte.
À mes pieds s’entr’ouvrait la fleur de l’hyacinthe.
Et je songeais tout bas à d’anciens récits,

À ces tables de bronze où l’antique Mémoire
Du vieil Esprit de l’Homme inscrivit les pensers,
Et grava, les gardant au rêve évocatoire,
Parmi les bas-reliefs mutilés de l’Histoire,
Les rites abolis et les fastes passés.

Autrefois les Autels fumaient sur cette cime ;
Les foules entouraient les Sacrificateurs,
Et couvraient les chemins menant au roc sublime,
Et le ciel sur leurs fronts, ouvert comme un abîme,
Aspirait l’âcre encens offert sur les hauteurs.