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Où, dans un flot plus clair, reflet d’un ciel plus pur,
Le vaisseau plus léger plus doucement se mire ;
Où la gaîté rayonne et vibre dans l’azur…
Où tout est grâce, ivresse, harmonie et sourire !



Ô pauvre riche, toi qui ne vis qu’à moitié,
Souffreteux et chétif parmi ces gaîtés roses,
Je songe, pris pour toi de profonde pitié,
À l’ironie étrange et cruelle des choses !

On eût pu te compter au nombre des heureux
En cette humanité dont la route est si sombre…
Mais tu n’es rien qu’un être infirme et douloureux,
Car, entre le bonheur et toi, se dresse une ombre.

Oui, je te plains, ô riche ! et te verrai longtemps
Comme un spectre de deuil, très net, en ma pensée,
Au milieu des splendeurs de ces tons éclatants,
Sur ton banc, mince, noir, l’attitude lassée,

Tandis que ton cocher, au ventre sans rival,
Bâille à pleine mâchoire, ennuyé de t’attendre ;
Et que ton grand laquais, debout près du cheval,
Frais et gourmé, sourit aux filles d’un air tendre.