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J’ai connu la vie heureuse et dévote,
Le riche couvent, beau comme un palais,
Plein d’odeurs d’encens et de bergamotte…
Je me suis usée aux lourds chapelets.

J’ai connu des mains longues, fines, grasses,
Orné plus d’un doigt rond ou bien pointu,
Reçu des baisers, octroyé des grâces,
Ou, par un soufflet, sauvé ma vertu.

Je suis le Passé, venu d’âge en âge,
Jusqu’à ce doigt fin que j’orne aujourd’hui…
Ah ! puissé-je, après ce rude voyage,
Longtemps, bien longtemps m’attacher à lui !

Et voilà pourquoi, termina l’aïeule,
Malgré votre éclat et votre air vainqueur,
Plus que vous l’on m’aime, et je m’endors seule,
Quand vous êtes loin, tout près de son cœur ! »