Arsène, le patron, un solide marin
Hâlé, roussi, brûlé comme un vieux mathurin,
Tient la barre, attentif aux écarts de la brise,
Les yeux droit sur l'écueil où le courant se brise,
Et de sa voix traînante, au rhythme cadencé,
Nous raconte sa vie et parle du passé.
Élevé rudement, « va comme je te pousse »,
À dix ans, sur un sloop marchand, il partait mousse,
Et, dans un ouragan, sous un ciel noir d’enfer,
Recevait le premier baptême de la mer.
« Donc pendant tout ce temps la besogne fut dure.
J’ai navigué du Nord au Sud, à l’aventure,
Pour un oui, pour un non, changeant de bâtiment,
Et revenant ici quelques jours seulement
Pour marier mes sœurs, pour enterrer ma mère.
Deux ou trois fois au moins j’ai fait mon tour de terre
Et j’ai vu des pays… à ne les point compter ;
Si ça s’appelle voir pourtant que de rester
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