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Qui vous fit seule enfin, toute seule ici-bas,
Pourquoi, la haïssant, ne la quittez-vous pas ? »

Elle me regarda d’abord, comme étonnée ;
Puis, un moment après, sa tête résignée
Tomba sur sa poitrine et, d’un ton radouci :

« — Quitter la mer, Monsieur ?… Mais j’en mourrais aussi ! »

C’est qu’elle est tout pour eux, cette mer éternelle ;
C’est que, fixés près d’elle, ils trouvent tout en elle ;
C’est que perte ou profit, joie ou deuil, vie ou mort,
Tout retourne vers elle et que tout d’elle sort ;
C’est que c’est une loi fatale à l’âme humaine
De voir fleurir l’amour à côté de la haine
Et qu’il est ici-bas, par d’étranges concours,
De ces choses qu’on hait — en les aimant toujours !