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Voyant que nous étions Alsaciens tous les deux
À nous montrer du doigt en chuchotant entre eux.
Ce n’était rien pourtant. Mais lorsque la fanfare
Se perdant en avant, devint faible et plus rare,
Et que le défilé toucha les derniers rangs,
Les hommes, furieux de voir des émigrants
— Car c’est là le revers de leur belle conquête, —
En passant près de nous, nous jetaient à la tête
De grossiers quolibets dans le goût allemand,
D’ironiques adieux, et riaient lourdement
Lorsqu’ils avaient trouvé quelque nouvelle injure
Qui devait nous paraître et plus rude et plus dure.
Ô honte ! nous devions supporter tout cela !
Nous devions tout souffrir ! Ah ! dans ce moment-là
Que n’aurais-je donné pour ne pas te comprendre,
Langue de mon pays, et pour ne pas entendre
Ce que crachaient sur nous leurs propos de bivouac !
Ô honte ! l’un d’entre eux envoya sur le sac
Que je tenais en main, un coup de baïonnette :
Je sentis tout mon sang me monter à la tête,