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Ou plutôt à la mort, — car vous savez sans doute
Qu’autrement la retraite était une déroute,
Que pour sauver l’armée il nous fallait mourir.
On partit. Combien peu j’en ai vu revenir
De ces hommes si beaux et si remplis de vie !
Car, sans mentir, ce fut comme une boucherie ;
Quand j’y songe, je sens mon cœur se soulever,
Et, longtemps, je n’ai pu dormir sans en rêver.
Sept fois, comme des fous, ivres, tête baissée,
Courant, courant toujours, sans espoir, sans pensée,
Nous venons nous briser contre un rempart de feux ;
Et de plus en plus las, de moins en moins nombreux,
Nous tentons vainement une charge nouvelle,
Par nos genoux meurtris nous rivant à la selle,
Labourant nos chevaux à grands coups d’éperons.
Il reste à peine encor le quart des escadrons ;
Le mien, s’il m’en souvient, ne comptait que vingt hommes.
Le colonel nous dit : « Allons, enfants, nous sommes
» Là pour mourir : sachons faire notre devoir.
» En avant ! » C’est alors que vous auriez pu voir