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Peut-être me trompé-je, mais je ne vois guère que la France où la Muse excelle à trotter, c’est-à-dire sache effleurer le sol d’un pied leste et sûr, faire de la grâce dans sa démarche avec la palpitation de ses grandes ailes repliées. Cette Immortelle est femme et quelle femme trotte plus élégamment que la Parisienne ? Votre Muse, mon cher ami, est parisienne, et je lui sais gré de demeurer avec jalousie française, car c’est à Paris, chose pénible à constater, que l’esprit français risque surtout de se corrompre en cherchant l’originalité hors de sa propre essence.

Cet inquiétant phénomène éclate aujourd’hui dans notre art, dans d’autres aussi. Je ne suis pas musicien, mais j’entends dire, et je le crois sans peine, que les hommages passionnés de plusieurs de nos compositeurs à la technique wagnérienne pourraient, à la longue, entraîner chez eux l’abdication de leur propre génie musical.

Quand on dit que l’Art n’a pas de patrie, il faut s’entendre. Si cela signifie qu’une admiration loyale est due à toutes les manifestations du Beau sans égard à leurs lieux d’origine, j’y souscris, et encore devons-nous, selon moi, non pas l’admiration, qui