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devait intéresser et passionner les auditeurs. Mais à le considérer au point de vue de la valeur littéraire, notre poëme manque d’unité, comme nous l’avons déjà fait remarquer plus d’une fois ; la première partie est vraiment intéressante pour les mœurs et les habitudes de l’époque ; elle n’est pas du ton ordinaire de la chanson de geste et se rapproche parfois du fableau ; la seconde, au contraire, œuvre du remanieur, est pleine d’interminables aventures de voleurs qui n’ont d’autre but que de retarder le plus longtemps possible le retour d’Aiol et de Mirabel à la cour du roi de France, et n’a guère d’autre intérêt pour nous que les allusions qu’elle fait aux grands événements du commencement du xiiie siècle.

Quant aux caractères des principaux personnages du récit, ils sont bien tracés et ne manquent pas de noblesse. Aiol est un beau type de persévérance et de générosité. La patience avec laquelle il supporte les moqueries des habitants de Poitiers et d’Orléans est admirable, et c’est là une qualité qui n’était pas commune aux chevaliers du xiiie siècle, à en juger d’après les chansons de geste. Quand on lui reprochait la pauvreté de son costume, Renier, le frère de Girart de Vienne, en usait autrement[1]. N’ayant à combattre que pour sa famille, notre héros est

  1. Voy. Girart de Viane, éd. Tarbé, p. 14-15. — Nous retrouvons dans Girart de Viane (éd. Tarbé, p. 17-8) quelques vers ressemblant aux vers 1582-5 d’Aiol :

    Le cuers n’est mie ne ou vair ne ou gris ;
    Ens est ou ventre la ou Deus l’a assis.
    Tels est or riches qui de cuer est faillis :
    Et tels est povres qui est fiers et hardis.

    Il ne faut voir dans ce rapprochement qu’un lieu commun qui pourrait se rencontrer ailleurs.