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« Enfants, ne riez pas ainsi de ce qu’on nomme
Les pressentiments ; moi, lorsque j’étais jeune homme,
Comme vous je doutais, incrédule et moqueur,
De ces avis secrets qui nous viennent du cœur ;
Mais un soir… »
Mais un soir…À ce mot, précurseur d’une histoire,
Un silence complet se fit dans l’auditoire.

« Un soir, dit-il, j’étais chez un nommé Furet,
Ancien soldat, alors garde de la forêt,
Qui demeurait là-bas au carrefour du Chêne.
C’était un beau garçon de vingt-huit ans à peine
— J’en avais trente alors — qui venait justement
D’épouser par amour, et tout dernièrement,
La fille d’un fermier de la plaine des Granges,
Belle enfant aux cheveux blonds comme ceux des anges,
Aux yeux noirs, au teint rose, et que je crois revoir
Frottant un plat d’étain brillant comme un miroir,
Jupons courts et bras nus, laborieuse, brave,
Courant, trottant toujours du grenier à la cave,
Et quand on arrivait, vous charmant dès l’abord