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Nu, seul et loin de tous, eusses-tu pu le faire ?
Non ! ta vulgaire audace et ta témérité,
Frère, tu ne les dois qu’à la fraternité !
Sans le concours puissant de nos forces humaines,
Où seraient ces barreaux, ces grilles et ces chaînes ?
Sans la sainte union de nos bras, de nos cœurs,
Quels seraient les vaincus ? quels seraient les vainqueurs ?
Pourrais-tu regarder de si près, face à face,
Cet animal puissant, rire de sa menace,
L’affronter, le braver — si d’autres n’avaient fait
Inutile sa rage et ses coups sans effet ?
Vois, l’homme désuni, ce qu’eût été le monde !
Par les immensités d’une terre inféconde,
Au milieu de déserts sans culture et sans fin,
Vois l’homme seul, luttant pour assouvir sa faim.
La matière régnant, les forts étant les maîtres,
Ah ! qu’infime est son rang dans l’échelle des êtres !
Le vois-tu poursuivi, serré de toutes parts,
Entouré d’ennemis, courant mille hasards,
Ou s’isolant pendant son existence entière
Comme la bête fauve, au fond d’une tanière