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est prudent et habile de se conformer aux usages, d’observer les dehors, lors même que, dans son for intérieur, on a complètement rompu avec tout cela. On ne veut froisser personne, ne blesser aucun préjugé. On appelle cela « respecter les convictions d’autrui ». Et ces autres sont ceux-là même qui ne respectent nullement nos convictions à nous ; ils les dénigrent, ils les poursuivent de leur haine, et ne demanderaient pas mieux que d’exterminer avec les opinions ceux qui les professent.

C’est ce manque de courage viril et de sincérité qui prolonge l’existence du mensonge et recule à perte de vue le triomphe de la vérité.

L’auteur a voulu du moins remplir son devoir vis-à-vis de lui-même, vis-à-vis de la. vérité et de ceux qui sont de son bord. Il a dit bien haut et sans réticence aucune tout ce qu’il pense.

Qu’ils en fassent autant, les gens avisés, les habiles, les diplomates, les opportunistes, peu importe le mot sous lequel il leur plaît de cacher leur hypocrisie et leur mensonge ; — qu’ils en fassent autant, et ils constateront, peut-être à leur grand étonnement, que dans bien des endroits déjà ils forment la majorité. Ils n’auront alors qu’à se compter pour être les plus forts, et bientôt peut-être ils trouveront leur avantage à être sincères et conséquents plutôt que de persister dans la duplicité et la dissimulation.