même [1] ». « Parmi les stigmates moraux », ajoute cet auteur, « il faut encore noter ces craintes indéfinissables que les dégénérés présentent parfois de regarder, de sentir ou de toucher un objet quelconque [2]». Et plus loin il mentionne leur « peur inconsciente de tout le monde [3] ». Dans ce tableau du mélancolique déprimé, sombre, désespérant de lui-même et du monde, que torture la crainte de l'inconnu et que menacent des dangers vagues, mais terribles, nous reconnaissons trait pour trait l’homme du Crépuscule des Peuples et la disposition d’esprit « fin de siècle » décrite dans le premier chapitre.
A l’abattement caractéristique du dégénéré s’allie, en règle générale, une aversion pour toute action, qui peut aller jusqu’à l’horreur d’agir et l’impuissance de vouloir (aboulie). Or, c’est une particularité de l’esprit humain connue du psychologue, que la loi de la causalité gouvernant la pensée entière, il assigne des motifs rationnels à toutes ses propres décisions. Déjà Spinoza a exprimé cela d’une jolie façon : « Si une pierre lancée par la main d’un homme pouvait penser », dit-il, « elle s’imaginerait certainement qu’elle vole parce qu’elle veut voler ». Beaucoup d’états d’âme et d’actes dont nous devenons conscients sont la conséquence de causes dont nous n’avons pas conscience. Dans ce cas, nous inventons après coup pour eux des motifs qui satisfont notre besoin psychique de claire causalité, et nous nous persuadons sans peine que maintenant nous les avons réellement expliqués. Le dégénéré qu’effraye l’ac-