naturellement exprimer leur propre état d’esprit. Ils ne peuvent employer de mots précis à signification claire, car ils ne trouvent pas dans leur propre conscience d’aperceptions nettement dessinées et univoques qui puissent être comprises dans de tels mots. Ils choisissent en conséquence des mots vagues interprétables à plaisir, parce qu’ils répondent le mieux à leurs aperceptions qui sont de même nature. Plus indécis et plus obscur est un mot, mieux il se prête aux besoins de l’imbécile, et cela, on le sait, va si loin chez l’aliéné, qu’il trouve pour son aperception devenue absolument informe des mots nouveaux qui ne sont plus seulement obscurs, mais dépourvus de tout sens. Nous avons déjà vu que pour les dégénérés typiques le réel n’a aucune signification. Je rappelle seulement les remarques précédemment citées de Rossetti, Charles Morice, etc., sur ce point. Le langage clair sert à la communication du réel ; il n’a par conséquent aucune valeur pour le dégénéré. Celui-ci n’estime que le langage qui ne le force pas à suivre attentivement la pensée de celui qui parle, mais lui permet de s’abandonner librement au vagabondage de sa propre rêvasserie, de même que son propre langage n’a pas pour but de communiquer une pensée déterminée, mais doit simplement être le pâle reflet de son crépuscule intellectuel. C’est ce que veut dire M. Stéphane Mallarmé, quand il s’exprime ainsi : « Nommer un objet, c’est supprimer les trois quarts de la jouissance… le suggérer, voilà le rêve ».
La pensée d’un cerveau sain a, de plus, un décours réglé par les lois de la logique et le contrôle de l’attention. Elle prend pour contenu un objet déterminé, le