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encore dans sa chute, et, furieuse, bondit sur le sol dans son propre élan, comme si elle voulait frapper encore le globe de l’Olympe. Mais bientôt le protecteur des dieux, vibrant ses brillants javelots du haut des airs, où il brille, transporte le combat de l’aile gauche à l’aile droite.

C’est alors que le géant avec tous ses bras excite les eaux des torrents : il entrelace ses doigts les uns aux autres, il forme un creux de ses larges mains, et, soulevant ainsi du milieu des fleuves grossis par les tributs des frimas et des forêts, des vagues détachées, il les lance contre l’éclair. Celui-ci, atteint par ces courants torrentiels, brille à travers les ondes d’une plus vive étincelle, les dessèche par son ardeur, et les consume. L’élément humide cède à la force du feu. L’audacieux géant qui cherchait ainsi à éteindre la flamme céleste, ne savait pas, l’insensé ! que les foudres et les éclairs incandescents naissent des nuages chargés de pluie.

Il voulut alors sous les quartiers arrondis[1] des ravins caverneux écraser la poitrine du Dieu que le fer ne pouvait blesser ; et déjà le bloc s’avançait menaçant. Mais Jupiter souffla du bout des lèvres, et ce léger souffle détourna l’énorme rocher.

Alors faisant tourner dans sa main le promontoire d’une île (18b), Typhée s’apprête de nouveau à en frapper le front infrangible de son adversaire. Celui-ci, par un mouvement de sa tête, évite le choc du pic dirigé contre lui ; mais l’éclair brillant se trouve atteint dans sa course oblique ; et la roche effleurant ses pointes en est stigmatisée et noircie.

Le géant a bientôt décoché une troisième colline ; Jupiter l’arrête adroitement dans son vol, au centre de sa main ouverte ; il la lance intrépidement à son tour et la lui renvoie comme un ballon bondissant. La colline retournant sur sa marche, après avoir longtemps tournoyé dans les airs, revient frapper d’elle-même son archer primitif.

La quatrième attaque vise plus haut. Mais le rocher se brise dès qu’il a touché le bord de l’égide. Il est suivi d’un dernier bloc que la foudre fait pétiller en le recevant et qu’elle consume à demi. Les pics ne peuvent rien contre les nuages ; et les collines se fondent sous leur pénétrante humidité.

C’est ainsi que Bellone tenait la balance égale entre le géant et le dieu, en même temps que les foudres grondaient et bondissaient dans le ciel. Jupiter combattait sous toutes ses armes ; il a l’éclair pour dard, le tonnerre pour bouclier, pour cuirasse la nue ; pour flèches, les foudres à la pointe de feu, lancées du sein des airs.

Déjà une vapeur sèche et vagabonde s’échappant des fentes de la terre altérée, cherche à atteindre les

  1. Le sommet de l’île que Typhée lance à Jupiter me met en mémoire ces vers que j’ai lus : Poséidon l’aperçoit ; de ses bras formidables Il enlève Nysire et ses grèves de sables Et ses rochers moussus ; il la dresse dans l’air : Et l’île aux noirs contours vole comme l’éclair, Gronde, frappe ; et les os du géant qui succombe Blanchissent les parvis de son humide tombe. (Leconte de l’Isle, poèmes antiques, p. 278.)