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Quant à moi, je vais enchaîner la violence des quatre vents ; je châtie Borée, je tourmente Notos, je flagelle Euros, je frappe Zéphyre ; puis, mêlant d’une seule main la nuit au jour, j’appelle à moi l’Océan, mon frère ; il soulèvera les eaux comme toutes les sources de ses abîmes contre l’Olympe ; puis, s’élevant au-dessus des cinq cercles parallèles, il inondera les astres et submergera l’Ourse altérée, qui se cache sous le timon du Chariot.

« Mugissez, mes taureaux, mugissez, et, secouant l’orbite de l’équinoxe, brisez de vos cornes aiguës les cornes brûlantes du Taureau, votre pareil. Que les bœufs de la Lune changent de route, effrayés des terribles beuglements de mes têtes. Qu’ouvrant sa gueule formidable, l’ourse de Typhée épouvante l’Ourse du ciel. Que mon lion, vainqueur du Lion céleste, le chasse loin de la route du zodiaque, et que le dragon du Chariot, armé de si peu de flammes, tremble devant mes dragons.

« Mes glaives à moi, ce sont les vagues de la mer en furie, les sommets du continent, les vallons des îles. Mes boucliers, ce sont les collines ; mes cuirasses, les écueils ; mes lances, les rochers, et les fleuves qui sauront éteindre la misérable foudre.

« Je garde pour Neptune les chaînes de Japet. C’est à Vulcain, le dieu du feu, que je réserve, sur les sommets du Caucase, un meilleur vautour pour ronger son foie toujours renaissant. N’est-ce pas en raison du feu que Prométhée a tant souffert de blessures dans ce foie qui sans cesse renaît de lui-même ? Plus heureux que les enfants d’Iphimédie[1], dont la forme se rapprochait de la mienne, je renfermerai le fils rusé de Maia dans un vase d’airain sous d’indestructibles entraves, et l’on dira : Celui qui délia les chaînes de Mars est donc enchaîné à son tour ! Je veux que Diane, si fière de son intacte virginité, devienne l’épouse obligée d’Orion ; je veux que Latone, contrainte de s’unir à Titye, lui apporte ses bandelettes surannées ; je veux que l’homicide Mars, le roi des batailles, dépouillé de ses boucliers rouillés, change, sous mes verrous, toute sa colère en douceur. Je donnerai ma conquête Pallas pour femme à Ephialte, mari tardif, et j’aurai le plaisir de voir à la fois Mars prisonnier, et Minerve en mal d’enfant.

« Il faut aussi que Jupiter, reprenant sur ses épaules fatiguées le poids tournant du globe atlantique le supporte debout à son tour ; qu’il écoute les chants de mon hymen, et dissimule sa jalousie, quand je vais épouser Junon. Les flambeaux ne manqueront pas à mes noces ; l’Éclair y tiendra de lui-même illuminer la chambre nuptiale ; au lieu des torches de mélèze, le Soleil, allumant ses rayons à son propre foyer, mettra tout leur éclat à mon service ; et les étoiles, lustres du soir, ranimant dans l’Olympe leurs étincelles, brilleront devant moi pour éclairer mes amours. La Lune, mon esclave, compagne d’Endymion, et Vénus amie du mariage, dresseront ma couche. S’il me

  1. Les Aloïdes. — Les enfants de Neptune et d’Iphimédie, femme d’Alcée, sont les Aloïdes, Éphialte et Otos, le Cauchemar et le Hibou. Ces jumeaux enfermèrent Ie dieu Mars dans un vase d’airain, dont un stratagème de Mercure le délivra ; et ils étaient, malgré la signification de leurs noms propres, les plus beaux, après Orion, parmi les géants. Καὶ πολὺ καλλίστους, μετά γε κλυτὸν῾Ὠρίονα. (Odyssée, Od., XI, 305) C’est de ces fils de la Terre que le terrible Dante, une fois plaisant, a dit : Natura certo quando lascio l’arte Di si fatti animali, assal fe’ bene. (Inferno, ch. 31.)