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le tonnerre ne fait entendre qu’un sourd murmure éveillant à peine l’écho. L’air altéré ne laisse tomber que par intervalles quelques gouttes d’une aride rosée. La foudre s’obscurcit et son étincelle, semblable à une noire fumée, ne jette qu’une lueur languissante. Les éclairs, qui reconnaissent les mains inexpérimentées de leur directeur, déguisent, sous une lumière efféminée, leur splendeur virile, glissent d’eux-mêmes en bondissant de ses bras démesurés, et errent au hasard, regrettant la main accoutumée de leur maître céleste.

Ainsi, quand un écuyer novice et peu exercé fouette inutilement un cheval indocile et impatient du frein, celui-ci devine par instinct la main étrangère de son nouveau guide ; il s’élance, saute en fureur ; immobile sur ses pieds de derrière qui ne quittent pas le sol, et pliant les jarrets, il bat l’air de ses pieds de devant, et dresse l’épaisse crinière qui va ondoyant d’une épaule à l’autre. Tel, de ses mains alternatives, le géant cherche à contenir la foudre rebelle et les éclairs vagabonds.

Cependant, au moment où Cadmus arrivait chez les Arimes, le taureau navigateur déposait sur le rivage de Dicté Europe respectée des flots. Junon a vu la passion de son infidèle époux, et s’écrie, dans sa colère ironique[1] et jalouse : « Venez donc, ô Phébus, au secours de votre père, de peur que quelque laboureur ne s’en empare et ne l’attelle à la charrue. Oh ! qu’il l’attelle et s’en empare[2] ! Je dirais alors à Jupiter : Supporte le double aiguillon de l’amour et des bouviers ; — gardez votre père, berger Apollon, car la Lune conductrice des bœufs pourrait bien le plier à son joug et l’ensanglanter de ses lanières redoublées, lorsqu’elle se hâte vers le pasteur Endymion. Roi des dieux, c’est grand dommage qu’Io, quand elle était génisse, ne t’ait pas vu la courtiser sous une telle forme ; elle n’eut pas manqué de te donner un fils au front cornu, pareil à son père. Crois-moi, tremble que Mercure, si habile à dérober les boeufs, ne dérobe son père aussi, le croyant taureau, et qu’il ne donne une seconde fois la lyre à ton autre fils Phébus en gage de ce ravisseur ravi (21)[3]. Mais que fais-je ? et pourquoi Argus n’est-il plus là avec son corps tout parsemé d’yeux vigilants ? Ce berger de Junon frapperait de sa houlette les flancs de l’indocile Jupiter, et le ramènerait au pâturage. »

Elle dit : Et le dieu, dépouillant la forme du taureau, paraît semblable à un jeune époux ; il s’approche de l’innocente Europe, jouit de sa beauté ; et, détachant d’abord les replis de sa ceinture, sa main, comme par hasard, presse les contours du sein de la Nymphe ; puis il effleure sa lèvre d’un baiser, et cueille en silence le fruit sacré et mûr à peine des amours que la Vierge gardait pour lui[4].

Plus tard, Jupiter donna pour épouse au riche Astérion

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