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autour de sa flamme ; et ses vipères lancent des dards qui se croisent au sein des airs et les ravagent. Le Sagittaire, vaillant compagnon du poissonneux Capricorne, décoche aussi sa flèche. Le Dragon, que divisent les deux Ourses, et qui paraissant entre elles, pousse le Chariot étoilé dans sa marche éclatante ; et voisin d’Erigone, le Bouvier, guide assidu du Chariot, brandit, d’un bras étincelant, son aiguillon, tandis qu’auprès de l’Hercule agenouillé et du Cygne, son satellise, la Lyre céleste prophétise le triomphe de Jupiter.

Alors Typhée transporta ses dévastations du haut du Ciel au sein des ondes et des écueils. là, secouant les sommets du Coryce et comprimant les flots du fleuve de la Cilicie, il réunit dans une seule de ses mains Tarse avec le Cydnus, et dirige la violence de ses traits contre les vagues de la mer. Les membres et les reins du géant, qui s’avance sur les eaux à l’aide de ses pieds, apparaissent nus à la surface et ne s’y enfoncent pas : sous leur poids, les vagues murmurent sourdement. Ses dragons à la nage se rangent en bataille sur la mer, sonnent la charge par leurs sifflements et dardent leur salive empoisonnée. Quand il se dresse sur In ondes, Typhée touche de ses pieds les algues des abîmes, en même temps qu’il presse de son ventre les nuages des airs. Lorsqu’il exhale les terribles rugissements des lions aériens de ses têtes, le Lion marin se cache dans les antres limoneux : lorsqu’il couvre de ses flancs insubmersibles la totalité de la mer plus grande que la terre, toute la phalange des monstres marins se sent pressée dans ses retraites profondes ; les phoques grommellent ; les dauphins s’enfuient sous les gouffres : le polype rusé, s’attachant aux contours de sa pierre habituelle par des fils plus nombreux, donne à ses membranes l’apparence d’une roche sous-marine. Tout tremble ; la murène, qu’un désir amoureux attire vers la vipère[1], redoute elle-même l’haleine impie de ces serpents qui traversent la mer. L’Océan élève dans les airs ses ondes comme une tour, et touche au ciel ; l’oiseau, que la pluie n’atteignait pas dans les airs, y rencontre les flots, et s’y baigne. Enfin, imitateur du trident de Neptune, Typhée arrache, au bord de la mer, une île, d’une seule secousse de sa main immense, la détache du continent, l’enlève et la jette au loin en la faisant tourner sur elle-même ; les milles bras du géant s’approchent des astres pendant le combat, obscurcissent le soleil, et lancent les cimes des montagnes contre le ciel.

Bientôt, après avoir soulevé le fond des mers et les hauteurs de la terra, le Jupiter illégitime s’arme de la foudre aux pointes de feu ; et ces mêmes armes pesantes que le dieu portait d’une seule main, le monstrueux Typhée a peine à les soulever de ses deus cents bras, tout invincibles qu’ils sont.

Sous les poignets desséchés du géant et loin desnuées,

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