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jour où les dieux s’envolèrent vers les bords paisibles du Nil, dirigeant leur fuite au milieu des airs, comme des troupes d’oiseaux passagers qu’on ne peut atteindre. Les sept zones du pôle en furent ébranlées. La faute en était à Jupiter épris de Plouto, et impatient de mettre au monde Tantale, ce voleur insensé du breuvage céleste. Le dieu avait caché ses foudres, les armes de l’air, dans le fond de la grotte. Là, elles s’enflamment ; leur fumée s’échappe des voûtes souterraines, noircit la blancheur des pies, échauffe les sources des pénétrantes étincelles d’un feu invisible ; et la vapeur des eaux bouillonnantes jaillit à grand bruit du gouffre de Mygdonie.

C’est alors que, par le conseil de la Terre, sa mère, le géant de Cilicie, Typhée, étendit toutes ses mains, et déroba les armes de Jupiter, armes de feu. Bientôt, développant ses nombreux et bruyants gosiers, il fait entendre le hurlement universel de tous ses monstres. Les serpents nés avec lui bondissant sur la tête des léopards leurs frères, et léchant la redoutable crinière des lions, enroulent leurs queues en spirale autour des cornes des boeufs, et lancent leurs dards écumeux contre les sangliers haletants.

Mais bientôt Typhée dépose les foudres de Jupiter dans le creux d’une roche, et porte dans les airs aussi haut que le soleil le ravage de ses bras. D’une main robuste, il saisit Cynosure au bord inférieur du ciel ; il presse et déchire d’une autre la crinière de l’Ourse de Parrhasis[1] penchée sur l’axe ; d’une troisième, il frappe le Bouvier ; d’une quatrième, il traîne l’étoile du matin. Il brave le bruit matinal du Fouet céleste dans le cercle de la sphère, et s’empare aussi de l’Aurore. Il arrête le Taureau ; et la marche du coursier des Heures reste irrégulière et inachevée. Enfin, obscurcie par l’ombre des Serpents annelés de son épaisse chevelure, la lumière se mêle aux ténèbres ; et la Lune, se levant en plein jour, brille avec le Soleil.

Ce n’est pas assez : le géant passe du nord au midi, et quitte un pôle pour l’autre pôle ; il atteint le Cocher d’un bras allongé ; flagelle le Capricorne, père de la grêle ; précipite les deux Poissons au sein des mers, et chasse le Bélier du centre de l’Olympe, là où, voisin et dominateur de l’orbite du printemps, cet astre partage d’une balance égale la nuit et le jour.

Typhée s’élève sur ses pieds et ses queues jusques auprès des nues ; là, déployant la tribu tout entière de ses bras, il rembrunit l’éclat argenté d’un ciel sans nuages, sous l’ombre des armées tortueuses de ses serpents. L’un se dresse, parcourt la ligne du pôle arrondi et, sautant sur les reins du Dragon céleste, sonne la charge. L’autre se rapproche de la fille de Céphée. Puis, formant avec ses mains étoilées un cercle, pareil à l’autre, il oblique ses anneaux et serre d’une seconde chaîne Andromède enchaînée déjà. Celui-ci, armé de cornes aiguës, s’attaque au Taureau,

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