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un couteau bien tranchant, Dieu sait comme il s’en escrime

Soudain, je ne sais comment, le cas fut subit, je n’eus le loisir de considérer, Panurge, sans mot dire, jette en pleine mer son mouton criant et bêlant. Tous les autres moutons criants et bêlants sur le même ton, commencèrent à sauter et se jeter en mer à la file. Il y avait foule à qui sauterait après leur compagnon ; impossible de les arrêter. Vous savez que c’est le naturel du mouton de suivre toujours le premier, quelque part qu’il aille.

Le marchand effrayé de voir sous ses yeux périr et noyer ses moutons, s’efforçait de les empêcher et les retenait de tout son pouvoir ; mais, en vain : tous à la file sautaient dans la mer et périssaient. Finalement il en prit un grand et fort par la toison, sur le tillac du navire, pensant ainsi le retenir et sauver le reste conséquemment. Le mouton fut si puissant qu’il se lança avec le marchand dans la mer et il fut noyé. Autant en firent les autres bergers et moutonniers, les prenant les uns par les cornes, les autres par les jambes ou par la