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veloppé, pesant, lant en graisse que fermoirs et parchemin, environ onze quintaux et six livres. Là il entendait vingt-six ou trente messes. Son diseur d’heures venait, l’estomac très-bien antidoté de sirop vignolat. Il marmottait avec lui toutes ses kyrielles et les épluchait si bien qu’il n’en tombait un seul grain à terre. Au sortir de l’église on lui apportait sur une traîne de bœufs une charge de grosses patenôtres, et se promenant par les cloîtres, par les galeries ou jardins, il en disait plus que seize ermites.

Enfin, il étudiait quelque méchante demi heure, les yeux sur son livre, mais, comme dit le comique, son âme était à la cuisine.

Après cela, nouveau repas, pendant lequel quatre de ses gens lui jetaient en la bouche, l’un après l’autre, continuellement, moutarde à pleines pelletées, puis il buvait un horrifique trait de vin blanc. Il ne cessait de manger que lorsque le ventre lui tirait, et n’avait pour le boire ni fin, ni mètre, ni canon…

Venaient ensuite les jeux interminablement, puis de nouveau il se mettait à boire et dormait deux ou trois heures sans mal penser ni mal dire. Au réveil quelques verres de vin frais. Ponocrates lui remontrait que c’était une mauvaise diète que de boire ainsi après dormir.

— C’est, répondit Gargantua, la vraie vie des Pères, car de ma nature je dors salé, et le dormir m’a valu autant de jambon.