Page:Noel - Le Rabelais de poche, 1860.djvu/182

Cette page a été validée par deux contributeurs.

long temps, ses antiques précepteurs l’avaient rendu tout à fait niais et ignorant. Il disposait donc son temps en telle façon qu’ordinairement il s’éveillait entre huit et neuf heures, qu’il fût jour ou non : ainsi l’avaient ordonné ses régents antiques, alléguant ce que dit David : Vanum est vobis anle lucem surgere.

Puis il gambadait, penadait et paillardait parmi le lit quelque bonne demi heure, pour mieux ébaudir ses esprits animaux, et s’habillait selon la saison. Après quoi il se peignait des quatre doigts et du pouce ; car ses précepteurs disaient qu’autrement se peigner, laver et nettoyer, c’était perdre son temps en ce monde.

Puis il fiantait, pissait, toussait, crachait, rotait, etc., finalement se mouchait en archidiacre, et déjeunait, pour abattre la rosée et mauvais air, belles tripes frites, belles carbonnades, beaux jambons, belles carbonnades, et force soupes de prime. Ponocrates lui remontrait qu’il ne devait manger ainsi au sortir du lit sans avoir auparavant fait quelque exercice. Gargantua répondit : — Quoi ! n’ai-je fait suffisant exercice ? je me suis vautré six ou sept tours parmi le lit, avant de me lever. N’est-ce assez ? Le pape Alexandre en usait ainsi par le conseil de son médecin juif, et il vécut jusqu’à la mort, malgré les envieux.

Après avoir bien à point déjeuné, il allait à l’église, où on lui portait, dans un panier, un gros bréviaire en-