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son succès. Aujourd’hui qu’il est regardé par les gens de goût comme une des productions les plus piquantes de notre littérature de la renaissance, il faut en donner aux amateurs une édition chaste et fidèle, avec des notes courtes et rares, qui ne sauront être à mon avis trop exemptes de vaines hypothèses et d’ambitieuse philologie. Mais ne faut-il pas aussi remettre en lumière cet excellent écrivain tout entier, ou du moins tels de ses ouvrages qui n’ont jamais été reproduits, comme ces charmants Discours non plus mélancoliques que divers, dont le titre de mauvais goût pourroit bien avoir différé la célébrité ? Je conviendrai, si l’on veut, qu’ils ne lui appartiennent pas exclusivement, et qu’il faut en rendre quelques chapitres à Nicolas Denisot et à Jacques Pelletier, les amis de Bonaventure, et ses collaborateurs présumés dans le joli livre des Contes ou Nouvelles récréations ; mais cette question, fort difficile à résoudre aujourd’hui, ne demande qu’un avant-propos de quatre lignes, et le reste de ces ingénieux mélanges qui ont servi de modèle, suivant moi, à l’admirable auteur des Essais, n’exige pas une note d’explication ou d’éclaircissement ; car il est peut-être impossible de citer dans toute la littérature de cette époque (1557), un seul texte de langue dont le style soit plus correct, plus clair, plus élégant, plus souple, et plus soutenu. J’ajouterai qu’ils empruntent de leurs sujets mêmes un attrait inexprimable qui en rendroit la réimpression fort bien entendue au milieu des études de notre temps, puisqu’ils sont presque entièrement consacrés à l’examen de ces questions d’histoire et de langage dont il est à la mode de s’occuper maintenant. Ces matières difficiles n’ont jamais été abordées avec plus de grâce et de légèreté dans une discussion d’ailleurs forte et solide, et je ne connois point d’exemple d’une alliance plus heureuse de la mordante causticité de Rabelais avec le scepticisme grave et profond de Montaigne. C’est un de ces ouvrages substantiels et savoureux, si rares en tout pays, qui nourrissent l’intelligence en faisant sourire l’esprit.