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ques, mais pleins de conscience et de courage, qui osoient énoncer dans la chaire de vérité le sentiment qu’ils professoient dans le for intérieur de leur âme. Le premier étoit dominicain et le second jésuite ; et toutes les fois qu’un encyclopédiste parle de la liberté de la pensée, les dominicains et les jésuites sont exceptés de droit.

J’ai promis une anecdote singulière ; anecdote historique, anecdote littéraire, anecdote bibliographique, si l’on veut, et cependant anecdote presque inédite de nos jours, suivant la véritable acception du mot, quoiqu’elle ait été consignée dans trois de nos historiens les plus accrédités parmi les savants. Si les principes que je viens d’établir avoient besoin d’une preuve, je n’irois pas en chercher une autre, mais je la regarde comme un ornement de luxe. La voici :

Sous le règne de notre jeune roi François II, mari infortuné de cette reine Marie Stuart, qui fut plus infortunée que lui, les Guises seuls règnoient en effet, couverts du masque de la religion, comme ils l’auroient été plus tard de celui de la liberté. Le peuple étoit guisard, et vouoit un culte idolâtre aux insolents tuteurs de son prince enfant. Valois éxécroit les princes de Lorraine, mais il subissoit leur joug sans se plaindre, avec l’humble résignation d’un écolier malade ; et ce n’étoit pas sans motif, car ce peuple forcené, d’où sortirent les ligueurs quelques années après, l’auroit brisé sur sa tête, s’il avoit essayé de le soulever. C’est cet état de choses qui donna lieu au fait que Regnier de la Planche racontera au lecteur dans des termes qui valent mieux que les miens[1] :

« Nous avons dit que la cour de parlement faisoit de grandes perquisitions à l’encontre de ceux qui imprimoyent ou exposoyent en vente les escrits que l’on semoyt contre ceux de Guise. En quoy quelques iours se passèrent si accortement qu’ils sceurent enfin qui auoit imprimé un certain liuret fort aigre intitulé le Tygre. Vn conseiller nommé du Lyon en eust la charge, qu’il accepta fort volontiers, pour la promesse d’un estat de président au parlement

  1. Histoire de l’estat de France, tant de la république que de la religion, sous le règne de François II. 1576. In-8o, p. 385 et suivantes.