Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/87

Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’on ne le fait d’ordinaire à ces improvisations de la gaîté, prises, comme il le dit lui-même, sur le temps des refections corporelles, et seulement pour se distraire d’autres plus graves études. Associons-nous, autant que nous en sommes capables, à la pensée qu’il dut concevoir, quand le succès inattendu de ces boutades sans conséquence, lui eut révélé tout à la fois l’aptitude et l’opportunité de son talent satyrique. Ce n’étoit plus la manie éphémère d’une littérature de transition qui se mouroit doucement de sa mort naturelle, ce n’étoit plus le ridicule passager d’un genre vieilli, déjà battu en ruine par ses premières atteintes, qui stimuloient, qui invoquoient sa facétieuse colère. C’étoit la société tout entière avec ses avocats et ses médecins, ses sophistes et ses pédants, ses grands seigneurs et ses rois, ses moines et ses pontifes. C’est ainsi qu’il entra dans la composition du Pantagruel, et c’est pour cela, selon moi, qu’il recommença le Gargantua. Je sais à merveille, et je ne saurois trop répéter, que ce n’est ici qu’une conjecture qui m’étoit tout-à-fait personnelle, quand M. Brunet a eu la bonté de la présenter comme un doute ; et je sais mieux encore qu’une conjecture dont le crédit s’appuie sur ma seule opinion, n’a rien qui puisse la faire sortir du rang des conjectures. Il me reste à dire tout au plus, pour justifier le soin que j’ai pris à la développer, ce que Montaigne dit quelque part sur un sujet de pareille nature : c’est qu’on me feroit grand desplaisir de me desloger de cette créance.

J’ajouterai cependant un seul mot, sans sortir de la forme dubitative qui me convient à l’égard de mes maîtres. Pourquoi M. Brunet, par qui vit en France et en