Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/81

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ge, que du premier livre de Rabelais. C’est une grande difficulté.

Il peut s’élever ici trois hypothèses qui sont également faciles à défendre, et qu’une édition authentiquement originale du second livre résoudroit toutes à la fois, si elle se présentoit jamais.

Ou, il avoit paru, avant le Pantagruel, une ébauche du Gargantua fort analogue à celle que la Bibliothèque bleue nous a conservée, et dont Rabelais auroit tiré ses inspirations et son poème, ce qui ne contrarieroit pas essentiellement le passage équivoque du Prologue que j’ai cité tout à l’heure.

Ou, Rabelais auroit composé lui-même, dans l’élan d’une verve encore peu exercée, et avant d’avoir vu un livre immortel dans son livre, comme cela doit arriver quelquefois aux gens de génie, les Grandes et inestimables Chroniques, et ne se seroit avisé que plus tard de ramener cet essai capricieux aux vastes formes d’une conception plus complette et mieux entendue ; et je dirai dans un moment pourquoi cette opinion est mon opinion.

Ou bien enfin, l’émulation de tant de beaux talents, contemporains de Rabelais, lui auroit suscité face à face une nombreuse concurrence d’écrivains habiles à s’emparer de son idée première, sans attendre qu’il l’eût développée tout entière ; et il seroit seulement surprenant que cette rivalité n’eût pas laissé de traces dans ses propres écrits.

Parmi ces conjectures, il y en a une vraie, et je crois que personne aujourd’hui ne peut la signaler avec une assurance infaillible. Tout ce que pouvoit entreprendre