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fait des inventions de ses prédécesseurs, ou quel parti ses plagiaires ont-ils tiré de ses propres inventions ? — Car il n’y a rien de plus vague et de plus incertain que les dates relatives des chroniques gargantuines. Qu’on ose après cela fonder les motifs d’une créance philosophique sur les probabilités de l’histoire !

Un fait bien avéré en bibliographie, au moins jusqu’à nouvel ordre, c’est que la première partie de l’ouvrage de Rabelais, qui est le Gargantua, n’a paru, dans la forme où nous le lisons aujourd’hui, qu’après la première partie du Pantagruel. Et pourtant l’existence antérieure du Gargantua est très explicitement reconnue dans le prologue du Pantagruel, par les passages suivans du commencement et de la fin : « Tres illustres et tres chevalereux champions, gentilshommes, et aultres, qui voluntiers vous addonnez a toutes gentillesses et honnestete, vous avez naguieres veu, leu, et sceu les Grandes et inestimables Chronicques de lenorme geant Gargantua : et comme vrais fideles les avez crües galantement, et y avez maintesfois passé vostre temps avec les honorables dames et damoiselles, leur en faisant beaux et longs narrez, alors que estiez hors de propos : dont estes bien dignes de grande louange et mémoire sempiternelle. Et à la mienne volunté que ung chascun laissast sa propre besongne, ne se souciast de son mestier, et mist ses affaires propres en obli, pour y vacquer entièrement… Et le monde a bien cogneu par expérience infaillible le grand émolument et utilité qui venoit de la dicte chronicque gargantuine ; car il en a esté plus vendu par les imprimeurs en deux mois, qu’il ne sera achep-