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colonies dans la lune ; je ne saurois trop qu’en dire. Je parlois de la facilité plus douteuse encore, selon moi, de porter au complet une bibliothèque spéciale. Je vous prie, après cela, si vous en avez le temps, et si vous voulez en prendre la peine, de me dire ce que vous pensez des autres.

Il n’y a pas long-temps qu’on s’est occupé assez sérieusement, suivant ce qui m’est revenu, de spécialiser les bibliothèques publiques de Paris ; et je n’y trouverois pas le moindre inconvénient si l’on s’arrangeoit simultanément pour spécialiser les quartiers, comme ils l’ont été quelquefois dans les villes du moyen-âge, ou pour spécialiser les études et les occupations de l’esprit comme cela s’est pratiqué chez certains peuples ; mais il n’y a rien de plus éloigné de nos modes actuels d’enseignement et de nos vraies ou fausses théories de perfectibilité, qui aspirent toutes à la plus grande diffusion possible des idées et des connoissances. Le mécanisme de notre gouvernement lui-même exige de la classe éclairée un ensemble immense de notions, puisque toutes les questions y sont soumises à tous. Le temps où nous vivons est celui des dictionnaires, le temps annoncé par l’Encyclopédie, le temps exprimé par le Journal des Connoissances utiles ; un fort bon temps, sans doute, mais ce n’est certainement pas le temps des études et des bibliothèques spéciales. Il n’y faut plus penser.

Si ce projet pouvoit recevoir quelque application raisonnable, ce seroit tout au plus auprès de quelques institutions, auprès de quelques écoles dont l’organisation élémentaire ne se ressent pas encore du vague universel, mais qui ne tarderont pas à tomber dans ce chaos comme le reste, parce que telle est la destinée inévitable des sociétés qui finissent. Personne ne se plaindroit, peut-être, et leurs parents moins que personne, si les étudiants en droit ne lisoient que des livres de droit, si les étudiants en médecine ne consultoient d’autres oracles que ceux d’Épidaure et de Cos, et si les élèves de