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remarqué le savant bibliothécaire de Mazarin, Gabriel Naudé, de l’italien inusité macarone, qui signifioit un homme lourd, grossier, et de mauvais langage, au témoignage de Cœlius Rhodiginus, ou Riechieri de Rovigo, au livre 17, chapitre 3, de ses Antiquœ lectiones. Quant à la métaphore en vertu de laquelle le même mot a usurpé deux acceptions si différentes en apparence, elle est si commune dans les langues qu’elle mérite à peine d’être expliquée, et qu’elle n’est bonne à remarquer dans l’occasion qui se présente, qu’autant qu’elle donne une idée de la manière dont se sont étendues les applications des mots, à l’époque où les langues se composoient. Il n’y a rien de plus naturel en effet que de comparer un discours hibride et confus à un mets hétéroclite dans lequel il entre des ingrédients de différentes natures, et cette forme se reproduit à tout moment chez nous dans salmi, macédoine et pot-pourri, qui signifient indistinctement l’un et l’autre. Les curieux de titres singuliers recherchent beaucoup un libelle imprimé en 1596, qui est intitulé Hochepot ou Salmigondi des fous ; et pas plus tard qu’au siècle dernier, un compilateur d’assez méchantes balivernes, leur a donné le titre d’oille, par allusion à l’olla podrida des Espagnols. Quand nos poètes macaroniques ont inventé leur langue tripartie de classique, de vulgaire et de patois, ils n’ont pas été plus fiers.

Puisque me voilà dans la science des livres qui est le plus aimable de mes califourchons, je profiterai de la circonstance pour dire quelque chose de ces écrivains qu’on sait déjà fort peu nombreux, et qui mériteroient bien deux ou trois feuilles de bonnes notices dans les excellentes Bibliographies spéciales de M. Gabriel Peignot. Je me contenterai, quant à moi, de les désigner rapidement aux amateurs de curiosités littéraires, et ce ne sera pas tout-à-fait sans nécessité, car il n’y a peut-être point de partie de l’histoire des livres qui soit moins connue, quoiqu’il n’y en ait véritablement guères qui mérite mieux de l’être ; et cela vient probablement de ce qu’ils ne sont pas tous aussi aisés à comprendre que la cérémonie du Malade Imaginaire ; car leur lecture exige ordinairement, ainsi que je l’ai fait pressentir, avec une connoissance suffi-