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l’amusant, et cette impression ne peut jamais être produite par une traduction en langue vulgaire. C’est l’envers du rideau, la trame du tapis, le canevas de la broderie. Il faudroit pour approcher du modèle recourir aux mêmes moyens d’exécution, ou emprunter à Rabelais, par exemple, la plume qui a tracé les plaisants discours de l’écolier limousin ; et je ferai observer en passant que cet épisode exquis du Pantagruel n’est pas une véritable macaronée, mais une piquante carricature de la langue usuelle, gâtée par les pédants, puisqu’ainsi que dans la langue usuelle, c’est l’expression qui est latine, et non pas la phrase.

Comme il n’y a rien de plus démonstratif que les faits, et qu’on me demandera sans doute, avant d’aller plus loin, un échantillon du vrai macaronique françois, je le prendrai dans une facétie qu’il n’est pas permis d’ignorer, et que le théâtre national a rendue populaire depuis long-temps, la fameuse cérémonie du Malade Imaginaire :

Savantissimi doctores,
Medicinæ professores,
Qui hic assemblati estis,
Et vos altri messiores,
Sententiarum facultatis
Fideles executores,
Chirurgiani et apothicari,
Atque tota compania aussi,
Salus, honor et argentum,
Atque bonum appetitum.

Voilà la véritable macaronée à base françoise, car la macaronée n’est autre chose que la phrase latine construite sur des barbarismes formés de la langue vulgaire, si ce n’est dans le passage cité de Rabelais, où la macaronée est la phrase françoise construite sur des latinismes, et qui ne se rapporte à ce genre que par extension.

Les étymologistes se sont fort occupés de ce mot, qui n’a pas d’origine immédiate connue, et, comme de juste, on l’a fait venir de macaroni, sans prendre la peine de nous dire d’où macaroni venait, ce qui est doubler la difficulté au lieu de la résoudre. L’un et l’autre sont faits évidemment, comme l’a