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prise à l’inverse ; de sorte que le macaronisme, s’il est permis de s’exprimer ainsi, n’est que la contre-épreuve de la langue usuelle. C’est ce que je me propose de démontrer.

J’ai dit ailleurs que tout peuple aborigène avoit eu sa langue aborigène, qui a fini, si elle n’est devenue dominante elle-même, par se fondre dans une langue dominante, comme ses institutions, ses mœurs, et jusqu’à son nom, se sont effacés dans une société nouvelle. Cette langue, relativement primitive, étoit ordinairement pauvre, et par conséquent imparfaite au jugement des linguistes, qui ne mesurent les progrès d’une langue qu’à l’abondance de ses superfétations, mais elle n’en étoit pas moins une langue au même titre que les nôtres, et elle s’étoit composée par des moyens absolument semblables, auxquels il a manqué seulement pour en faire une langue mère, une langue type et prototype, une langue savante, littéraire et classique, des circonstances favorables à leur application et à leur développement. Je suppose qu’on n’a pas oublié cette théorie, et que l’on comprend à merveille comment toutes les langues secondaires ont dû conserver dans leur métamorphose quelques éléments aborigènes, où sont empreints tout à la fois le sceau d’une création détruite et celui d’une palingénésie.

La langue françoise, la langue italienne, la langue espagnole, par exemple, sont du nombre de ces langues absorbées dans une langue dominante, qui n’ont gardé de leur première forme qu’une foible quantité d’éléments aborigènes, et dont la langue latine a renouvelé presque tous les vocables, mais en soumettant constamment les siens au mode de flexion et de désinences qui étoit propre à chaque pays. Cité, Citta, Ciudad, sont également faits du latin Civitas, mais on voit qu’ils en diffèrent par leur contraction euphonique, par leur déclinaison articulaire, par leur désinence et par leurs flexions. Le moule du mot n’a pas changé, même quand il a reçu un mot nouveau, et on pourra en remarquer autant à l’origine de toutes les langues secondaires.

Ainsi que je l’ai avancé, la langue factice des écrivains macaroniques résulte d’une simple modification de cet artifice, qui ne consiste que dans le changement des agents ; de ma-