Page:Nodier - Dissertations philologiques et bibliographiques.djvu/43

Cette page a été validée par deux contributeurs.

rement anecdotique, il est beaucoup plus mal-aisé d’y démêler l’allusion secrète qui en fait presque tout le sel, et cette étude exige alors une connoissance approfondie des faits et du monde, qui est rarement à la portée du bibliographe critique, surtout quand il arrive à une époque déjà un peu éloignée de celle où a paru le livre qui renferme ces mystères. Il doit demander alors aux traditions, s’il en existe encore, aux écrits contemporains de l’ouvrage qu’il explore, si les traditions ont failli, les renseignements dont il a besoin pour se diriger dans des ténèbres qui s’épaississent tous les jours ; et en tout cas, il ne sauroit s’y prendre trop tôt. C’est ainsi qu’a procédé mon savant ami M. Barbier, recueillant çà et là quelques notes éparses dans les stromates des amateurs, ou sur la marge de leurs exemplaires, pour éclaircir, entre autres pamphlets de la même espèce, les Soupers de Daphné qu’on attribue à Querlon. Dans une catégorie assez large, et où notre malignité françoise aime à s’exercer, je m’en tiendrai pour exemple à cette satyre toute parfumée de fleurs attiques, parce qu’elle a du moins en sa faveur, à travers un peu de molle afféterie et de grâces maniérées, l’avantage d’être bien écrite. J’aime d’ailleurs à dire un mot de Querlon, le seul des littérateurs du dix-huitième siècle pour lequel je puisse avouer sans orgueil quelque sympathie d’étude et de destinée. C’étoit un honnête homme, formé à de bonnes et utiles recherches qu’il savoit résumer dans un bon style, et que j’approuverois en tout point, si la manie des raretés philologiques n’avoit quelquefois entraîné cet esprit naïf à l’exploration de certains auteurs que la décence condamne. Lorsqu’il s’agit d’une langue morte, c’est un petit défaut dans lequel l’abbé de Rancé et le grand-aumônier Jacques Amyot étoient tombés avant lui. L’habitude de ce travail, si précieux pour les langues, le conduisit presque malgré lui à une imitation de Pétrone, où il ne manque que le nerf éloquent et le cynisme du modèle ; les Soupers de Daphné sont un véritable festin de Trimalcion, accommodé à nos mœurs, et qui se ressent de l’urbanité de la bonne compagnie et de la politesse de la cour. Ces obscénités élégantes ne méritent pas plus d’indulgence que les autres, mais elles au-