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deux, à deux époques différentes. La première rédaction est la plus concise ; mais la duchesse de Bénévent Adelperga qui la lui avait demandée, l’ayant trouvée trop obscure et d’ailleurs trop peu fournie des beaux exemples que l’on pouvait emprunter aux livres saints, engagea Paul Diacre à recommencer son travail, ce qu’il fit dans la forme et avec tous les développemens que désirait y retrouver la noble dame de Bénévent. Cette découverte de M. Champollion est très-importante ; elle devra désormais guider tous les futurs éditeurs d’Eutrope et de Paul Diacre ; car ce dernier a tellement fondu son ouvrage dans celui d’Eutrope, qu’on s’est habitué à les reproduire presque toujours ensemble. Les observations de M. Champollion serviront encore à distinguer plus nettement qu’on ne l’a fait jusqu’aujourd’hui ce qui appartient en propre à chacun de ces deux écrivains.

Dans les deux paragraphes suivans, notre éditeur établit la date précise de la composition de l’ouvrage d’Amat, et démontre que les antiquaires se sont trompés jusqu’à présent en croyant reconnaître l’auteur du monument dont ils regrettaient la perte entière dans Amat, successivement moine, évêque d’Oleron et archevêque de Bordeaux vers la fin du onzième siècle. La réfutation de M. Champollion est un véritable modèle de polémique, que nous recommandons à l’étude de tous ceux qui se dévouent à l’épineuse carrière de la critique. Il appartient, de nos jours, à fort peu de savans de relever les erreurs de leurs devanciers sans manquer au respect que doit inspirer une grande et juste illustration littéraire. « Si nous rectifions, » dit M. Champollion, « les conjectures des bénédictins, ce n’est point avec le secours de notre humble érudition, sincèrement respectueuse devant de tels noms ; mais par l’usage de quelques documens ignorés de leur tems, que le hasard a heureusement révélés au nôtre ; et la raison commande, pour un tel bonheur, un bien modeste orgueil. »