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soc l’avait constraint à ce faire. Mais tu es père, et convient que tu aides à lo fils povre. Ceste commanda la loi, que lo père qui est riche en toutes choses aide à la povreté de son fils. Et Pierre promit, et vint mille sol de or paia, et ensi fu délivré de la prison. » Depuis ce tems, Pierre et tous ses troupeaux purent errer en sécurité dans la campagne.

Voilà l’un de ces épisodes, en assez grand nombre dans la chronique d’Amat, qu’on ne retrouve plus sous leur physionomie naturelle dans les écrivains postérieurs. Léon, évêque d’Ostie, l’a raconté d’après notre auteur ; quelle différence, grand Dieu ! Écoutons : « Cum Robertus pauper admodum esset, vicinœ urbis dominum, divitem valde virum, vocatum ad colloquium, cepit ; à quo utique viginti millia aureos pro ejus absolutione recepit. » Est-ce bien là notre histoire ? Hélas oui ! mais l’amitié précédente de Robert et de Pierre ; le nom de père sollicité par ce dernier ; la fraude normande dont il devient victime ; enfin, les larmes de Robert et la transaction qui termine à l’amiable le différend, tout cela est regardé par Léon comme le laid de l’aventure ; à notre avis, c’en était le beau.

Plus on avance, et plus le récit prend d’intérêt et se dépouille d’obscurité. Le huitième livre, le plus remarquable de tous, est en grande partie consacré aux détails des cruautés de Gisolphe, tyran de Salerne, dont Robert Guiscard finit par débarrasser l’Italie. Les couleurs de notre historien, ou du moins de son traducteur, deviennent ici plus vives et plus saisissantes ; et le siége de Salerne peut réellement soutenir le parallèle avec celui de Jérusalem, dans l’historien Josèphe. Malheureusement un aussi grand éloge doit se borner à quelques chapitres du VIIIe livre. Soit que le travail d’Amat ait été (comme le lui reproche quelque part le traducteur) diffus et embrouillé, soit, comme je serais plus tenté de le croire, que ce traducteur ait été lui-même brouillon, diffus et inattentif, il est certain que la chronique française que