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courant par monts et par vaux ; recevant en tous lieux le plus respectueux accueil ; épousant des infantes, renversant des princes, des rois, des empereurs ; récompensant le plus magnifiquement du monde les services de leurs écuyers et de leurs compagnons d’armes ? Boémont seul, le fils de Robert Guiscard, fit long-tems pâlir sur son trône l’empereur de Constantinople. Guiscard, avec sept chevaliers, mit un jour en fuite une armée complète. Une autre fois les hommes d’armes de l’empereur d’Allemagne et du pape réunis n’avaient pu soutenir le choc de sept cents chevaliers normands ; cependant le pape était un homme de Dieu (c’était saint Léon, neuvième du nom) ; et pourtant personne ne doutait alors de la suprême influence du vicaire de Jésus-Christ sur les affaires temporelles. Mais on croyait plus assurément encore que rien au monde ne pouvait obliger les chevaliers normands à tourner le dos dans une bataille, et cet article de foi faisait oublier tous les autres.

Amat, qui mourut en 1093, n’a pu raconter les exploits des enfans de Robert Guiscard ; il arrête son récit à l’année 1078, époque de la mort de l’un de ses deux héros favoris, Richard, prince de Capoue[1]. Quant aux émigrations les plus anciennes, il en trace rapidement l’histoire. Les premiers Normands que l’on eût vus peut-être sur la terre d’Italie revenaient d’un pèlerinage fait, suivant Amat, au Saint-Sépulcre de Jérusalem, et suivant les historiens pos-

  1. Je ne puis m’empêcher de relever ici une méprise du savant éditeur : dans ses Prolégomènes, page 33, il désigne Richard comme l’un des enfans de Tancrède de Hauteville. Richard n’était pas même parent de Robert Guiscard : il était petit-fils de Gislebert, l’un des cinq chevaliers normands qui, bannis de leur pays en punition d’un assassinat, étaient arrivés en Italie dans les premières années du 11e siècle, et bien avant Guillaume Bras-de-Fer.