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une carte qui devait, par son apparition, produire le résultat de l’échec et mat : c’est la Mort, montée sur le cheval pâle que lui donne l’Apocalypse. — Originairement, les cartes n’étaient pas plus nombreuses que les pièces de l’échiquier, divisées en deux bandes, l’une rouge et l’autre noire ; une augmentation de cartes exigea bientôt de nouvelles combinaisons, et les deux jeux ne furent plus soumis à des règles analogues : les Arabes, ces grands joueurs d’échecs, donnèrent-ils cette autre forme à leur jeu favori ? — Quoi qu’il en soit, les cartes étaient en usage bien avant l’année 1392, à laquelle on a prétendu fixer leur invention : le synode de Worchester, en 1240, défend aux clercs les jeux déshonnêtes, et entre autres celui du Roi et de la Reine (ne sustineant ludos fieri de Rege et Reginâ) ; un manuscrit italien de 1299 parle des cartes appelées naïbi ; des statuts monastiques de 1337 proscrivent les cartes sous le nom de paginœ ; enfin, un édit du roi de Castille, à la date de 1387, les met au nombre des jeux prohibés. — Un ancien ouvrage en langue française ne laisse pas de doute sur l’existence des cartes, antérieurement à la date de 1392 ; car on lit dans le roman de Renard le contrefait, composé par un anonyme en 1328 :

Si comme fols et folles sont
Qui, pour gaigner, au bordel vont,
Jouent aux dés, aux cartes, aux tables
Qui à Dieu ne sont délectables…

Ce passage indique en quels lieux se tenaient les