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dre autre chose à la traduction qu’un peu de leur naïveté rustique et de leur molle harmonie :

Quand l’aurore fourrée, en robe de satin,
Déverrouille, sans bruit, les portes du matin.

Songez qu’il s’agit ici d’une aurore d’hiver, et dites-moi si Homère l’auroit mieux vêtue ? Jasmin se garde bien de lui donner des doigts de roses, comme n’auroit pas manqué de le faire un poète d’Album ou de Keapsake. Elle avoit probablement des gants.

Déverrouiller des portes est une action bien rude et bien méchanique pour une Divinité ; mais avant de répondre à ce reproche, il faut que je vous raconte une anecdote, et vous savez que c’est un privilége dont je n’abuse pas depuis quelque temps. À une époque de ma vie où je faisois encore des vers pour les belles, j’avois pour ami un grand poète qui s’appeloit M. de La Touche, et qui daignoit prêter quelquefois l’oreille à mes maussades alexandrins. Un jour, entre autres, je le consultois sur ceux-ci que je vous demande bien pardon de citer après des vers de Jasmin. C’est modestie toute pure :

Je n’entendrai jamais (disois-je)…
Frissonner le satin de ta robe agitée,
Ton écharpe gémir par le vent emportée,
Ou trembler ton haleine, ou soupirer ta voix,
Ou gronder les verroux en roulant sous tes doigts…


« Arrête-là, me dit-il tout à coup avec une aimable brusquerie qui lui étoit naturelle ! Tu ne parlerois pas autrement à un guichetier. Les verroux ne grondent point sous la main d’une personne aimée. Ce qu’il faut dire, c’est ceci :

Ou le verrou plaintif apaisé sous tes doigts.


J’étois convaincu avant qu’il eût fini. Il y avoit entre