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littéraires et politiques, il ne sauroit se charger trop vite de cet odieux fatras, car c’est pour cela qu’il est appelé à goûter le bienfait de l’enseignement. C’est à ce titre qu’il recevra incessamment de la presse un brevet banal de grand citoyen et de grand homme, en échange de son noble brevet de paysan.

D’une autre part, il ne semble pas que le patois ait perdu ses droits à l’estime de cette classe éclairée et sensible de la société qui fait cas avant tout du naïf et du simple, et qui le prise au-dessus de tous les efforts de l’art, quand elle le trouve naturellement relevé par une expression élégante et par un tour spirituel. Bellaudière, Goudouli et Lamonnoye ont conservé une place choisie dans la bibliothèque des amateurs les plus délicats ; de jeunes savants, moins dédaigneux que la sourcilleuse école des grammairiens à titre d’office, parcourent l’Europe avec un zèle infatigable pour explorer ses vieux langages ; un docte Italien, M. Salvi, recueille soigneusement, à la gloire de sa patrie, tous les monuments écrits de ses dialectes ; un docte François, M. Hécart de Valenciennes, élabore et perfectionne en éditions successives, son curieux dictionnaire du modeste Rouchi, et l’exemple de ce laborieux érudit commence à être suivi, si je ne me trompe, dans la plupart de nos provinces ; M. Raynouard, his dantem jura Catonem, replace par d’admirables études la langue délicieuse de ses ayeux, les troubadours, au rang qu’elle a tenu parmi les langues classiques, et qu’elle n’auroit jamais dû perdre.

Ce n’est pas tout pourtant. Ne diroit-on pas que le patois eût voulu répondre à ses détracteurs en marchant, comme le philosophe grec, ou qu’il eût retrouvé tout-à-coup l’argument irrésistible de Galilée, pur si muove, pour en flétrir l’arrêt insolent de ses juges ? Voilà qu’il lui surgit un poète, et un grand poète, je vous en