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cupé une chambre plus vaste et acheté une chaise de plus.

Un explorateur plus déterminé que moi a eu le courage de s’assurer qu’indépendamment de toutes ses dépenses personnelles, qui étoient payées par la princesse de Conti, et d’une multitude de confortables douceurs qui ne lui manquèrent jamais, car il n’y avoit pas jusqu’à M. de Cenamy qui ne lui fournît de temps en temps une bouteille d’huile pour sa salade, Bluet d’Arbères devoit avoir récolté de son aveu plus de quatre mille écus, qui font une somme considérable pour cette époque. Le Cid, Cinna et les Horaces n’ont pas tant rapporté à Corneille.

Ce n’est pas que le comte de Permission fût toujours également heureux dans ses spéculations industrielles. Comme il avoit son genre de fierté, et cet instinct de magnificence qui le prédestinoit à être grand seigneur, il s’étoit avisé d’accompagner la dédicace de ses livres de quelques présents de bon goût ; tributs dispendieux qu’on n’accepte pas d’un manant sans contracter l’obligation de les lui payer au décuple. Il avoit fait cadeau à M. le duc de Lorraine « d’un beau livre qui avoit la couverture d’argent et le dedans en vélin, avec force belles petites figures, avec le prophète royal David en bosse, en figure qu’il estoit berger, qu’il avoit tué Goliath, en figure qu’il estoit roy ; » et il en avoit refusé de bonnes sommes des marchands ; le noble duc de Lorraine lui en donna six écus. Quand ce volume se présentera en vente à six cents écus, il y aura enchère. Il avoit offert à M. le comte de Grollay « un cordon de chapeau de perles qui estoit en broderie de quatre doigts de large ou peu s’en faut. » M. le comte de Grollay lui en donna une double pistole fausse. Il avoit cédé à M. l’évêque de Noyon un beau chandelier à mettre dans une salle ; c’étoit probablement un lustre, et Bluet d’Arbères nous fait juger de la richesse de ce meuble précieux, en ajoutant