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s’est déclaré surtout cet essor inverse de la pensée, qui menace de nous faire perdre, en peu d’années, toutes les conquêtes du XVIIIe siècle, si nous n’y prenons pas garde. Le peintre dessine les vieux monumens que l’architecte cherche à relever, et le poète se pénètre de l’inspiration naïve et hardie des vieux vers que le typographe réimprime. Il y a des acheteurs pour les meubles du moyen-âge, et des lecteurs pour les chroniques. Une savante jeunesse exhume de la poudre des bibliothèques et des archives les chartes et les diplomes du temps passé. Un digne successeur des Gourmont, des Badius et des Étienne, M. Crapelet ; un ingénieux émule du bon Galiot du Pré, M. Techener, ressuscitent à la satisfaction des connoisseurs ce que Boileau appeloit dédaigneusement le fatras des vieux romanciers, et leurs entreprises, profondément ignorées du feuilleton, réussissent et prospèrent sans lui. Un de ces hommes éminemment habiles qui appliqueroient leur aptitude avec un succès égal à tous les genres d’études, M. Simonin, a porté si haut sous nos yeux la science de la Bibliatrique, ou restauration des vieux livres, qu’on pourrait dire, sans exagération, qu’il l’a inventée. Un jeune et docte libraire, organisé pour tout ce qu’il y a de bon et de beau, et animé de ce zèle actif et producteur sans lequel les plus heureuses dispositions resteroient stériles, M. Crozet, secondé par le goût délicat de quelques amateurs instruits, sonde les cryptes cachées où s’enfouissoient les trésors de notre littérature intermédiaire, va les reconquérir sur l’étranger, les rajeunit et les immortalise. C’est dans le cours de cette période mémorable qu’apparut Thouvenin, et l’expression un peu fantastique dont je me sers ne dit rien de trop pour caractériser l’avénement et l’influence d’un tel homme ; car c’est de l’histoire industrielle que j’écris, et elle a peut-être autant de droits que telle autre à usurper les figures de la rhétorique. Il n’est pas ici question du temps où, emporté par le goût des innovations à la mode, il raffina sur les dentelles baroques de la reliûre impériale, ou inventa ces empreintes, plus maussades encore, qui réduisirent la main-d’œuvre du doreur de livres à l’ignoble artifice du fer à gaufres, mais