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très érudit dans les lettres et dans les arts, et Félibien n’hésite pas à avancer qu’il a laissé fort loin derrière lui la grandeur et la magnificence de Vitruve. Il étoit passé maître aussi en archéologie, et à tel point que ses épitaphes et ses inscriptions fantastiques ont trompé jusqu’au bon sens des plus sages antiquaires, ce que j’ai pour ma part quelque difficulté à concevoir, car son latin classique ne vaut pas mieux que son italien. Ils n’appartiennent en propre à aucune langue.

Guillaume Postel n’étoit pas amoureux, ou s’il fut amoureux de sa mère Jeanne, il étoit encore plus fou qu’on ne pense, mais il eût comme frère François l’avantage d’être fou dans tous les idiomes savants de la terre. Celui-là étoit prodigieusement versé dans l’étude de toutes les choses qu’il est presque bon de savoir, et d’une multitude d’autres qu’il auroit été fort heureux d’ignorer. Bien qu’il n’eût tenu qu’à lui de se composer comme Columna un langage intraduisible, de tous ceux qu’il avoit explorés dans sa laborieuse vie, on ne voit pas qu’il se soit piqué nulle part de déconcerter l’intelligence de son lecteur par cette fusion baroque d’éléments discordants, et on doit même dire à sa louange que sa phrase seroit assez nette si ses idées l’étoient jamais. Deux préoccupations qui n’ont cessé de le dominer, et qui font pour ainsi dire l’âme de ses livres les plus célèbres, enlevèrent ce prodigieux esprit à la culture des lettres utiles : la première étoit la monarchie universelle sous le sceptre d’un roi françois, rêve ambitieux d’un patriotisme extravagant, que nous avons vu cependant tout près de se réaliser ; le second étoit l’achèvement de la Rédemption imparfaite par l’incarnation de Jésus-Christ dans la femme, et, à la mysticité près, nous savons que cette chimère n’est pas entièrement abandonnée de nos jours. Au dix-neuvième siècle, Postel auroit certainement tenu