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goureux si on trouvoit ce plan trop circonscrit, même pour une aggrégation d’hommes d’élite. Un écrivain que la linguistique révère parmi ses oracles les plus infaillibles, a dit qu’une définition exacte étoit le chef-d’œuvre de l’esprit humain. Qu’est-ce donc que la définition appliquée à tous les mots d’une langue, surtout quand ils se présentent dans cet ordre incohérent de l’alphabet, qui est loin de prêter à l’analyse les lumières de la logique ? Eh bien ! cette phrase de convention, ce lieu-commun de Dictionnaire, qui explique et développe la définition dans autant d’exemples que le mot peut recevoir d’emplois divers, et qui le saisit, en quelque sorte, comme un autre Protée pour lui arracher tous ses secrets ; cette manière de parler si simple et si vulgaire en apparence, qui justifie les sens du mot écrit par l’autorité bourgeoise, mais essentielle, de la bonne conversation, exige aussi, pour s’énoncer avec justesse et clarté, beaucoup de finesse de tact et beaucoup de netteté d’expression. Qu’on ne s’abuse point là-dessus ! Le fameux Lexicon contextat de Scaliger n’est pas une plaisanterie, et c’est un livre extrêmement difficile à faire qu’un Dictionnaire type, qu’un Dictionnaire de création comme celui de l’Académie. Les copistes ont plus beau jeu, et les aristarques aussi.

L’Académie a donc agi avec une parfaite sagesse quand elle a repoussé de son plan l’étymologie, qui étoit encore à trouver, le nomenclature scientifique qui sera toujours à faire, et la citation classique, impossible dans une langue de vingt ans, dont l’Académie résumoit toutes les autorités. Je ne dis pas pour cela, Dieu m’en garde, que l’étymologie, la nomenclature et la citation ne soient des choses fort bonnes en elles-mêmes, et qui demandent d’être écrites avec puissance et gravité, quand on saura les écrire ; mais ce n’étoit alors ni le lieu