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erreur immense, mais une erreur avouée, classique, sacramentelle, qui a prévalu comme une loi ; et il y a bien des loix, si on faisoit leur histoire, qui auroient une erreur à la racine de leur arbre généalogique. Malherbe étoit mort il y avoit moins de dix ans, quand l’Académie-Françoise fut chargée du travail du Dictionnaire, et dès sa récente institution, elle avoit réuni en elle, sans autre exception que Ménage, tous les hommes qui exerçoient alors quelque influence sur les arts de la parole, car Gabriel Naudé étoit à Rome, et Pascal et Molière ne vinrent que long-temps après. La citation ne pouvoit donc être empruntée qu’à des académiciens vivants, ou tout au plus qu’à ceux qui se décidoient à mourir comme Bois-Robert, en désespoir de voir la fin de l’ouvrage, pendant la lente élaboration des premières lettres ; étrange système que celui qui auroit assis les arrêts de l’Académie sur ses propres exemples, et qu’on accuseroit légitimement aujourd’hui d’avoir cumulé dans un corps despotique la faculté exclusive de produire et le droit exclusif de juger. Convenons que la prudente réticence de l’Académie fut l’expression d’une haute pudeur littéraire qui ne mérite que des éloges, et qu’elle sortit très habilement des difficultés de sa position, en substituant à cet étalage orgueilleux de citations qui ne lui étoit pas permis, l’emploi de ces phrases conventionnelles où se reproduisent bien plus sûrement toutes les locutions du langage. Définition exacte des mots introduits par la nécessité qui crée les langues, consacrés par l’usage qui les légalise, et approuvés par le goût qui les épure ; exemples variés et complets des acceptions auxquelles ils se plient, des modifications qu’ils subissent, des mouvements de la parole qui les déplacent et les transforment, tel dût être le double objet que l’académie se prescrivit dans son œuvre, et on seroit bien ri-