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a d’ailleurs une différence énorme entre la langue usuelle des nations, qui est commune à tous, et la langue spéciale des méthodes qui est écrite pour quelques adeptes, quand par hasard elle est écrite pour quelqu’un. Un Dictionnaire technologique des vocables qui ont été introduits dans le françois pour faciliter l’étude des sciences et en particulier l’investigation des faits naturels, seroit sans doute à la fois un monument très précieux des progrès de l’esprit humain, et un monument très philosophique de ses aberrations, mais ce ne seroit pas un Dictionnaire françois. On peut en juger par les lexiques ambitieux dont les auteurs ont eu recours à ce pitoyable moyen d’enrichir la langue écrite, amalgame hibride et monstrueux des instruments propres du langage, et des instruments factices de cinquante argots divers qui hurlent, comme on dit, d’être ensemble. Que l’Académie des sciences fasse donc des Dictionnaires spéciaux, c’est peut-être son devoir ; que l’Académie-Françoise s’en tienne au Dictionnaire du bon langage, tel qu’il nous a été légué par les maîtres de la parole, et qu’elle se garde bien de l’appauvrir de ce luxe mal entendu qui renouvelle ses pompeux haillons à l’apparition de tous les systèmes, et qui, mode lui-même, a l’instabilité de toutes les modes. Sa tâche sera encore assez grande, et l’Académie s’est montrée d’autant plus digne de la remplir qu’elle a rarement franchi ses bornes : je voudrois pouvoir dire qu’elle ne les a pas franchies, et cependant sa condescendance s’explique, je l’accuse d’avoir été trop modeste et trop polie.

Quant au défaut de citations et d’autorités, c’est cette question surtout qui exige qu’on se reporte au temps où le Dictionnaire de l’Académie fut composé. Il étoit établi en principe dans la littérature que la langue françoise datoit de Malherbe. C’étoit une erreur sans doute, une