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lettre par l’emploi du chiffre arabe dont l’usage est universel, opération inverse de celle de l’algèbre qui a pourvu à l’insuffisance et à l’incommodité du chiffre arabe par la capitale romaine, mais du même ordre et de la même portée, et qui ne suppose pas un génie d’une moindre puissance.

Fidèle à la conviction si souvent manifestée dans mes articles et dans mes livres, qu’un dictionnaire parfait dans nos langues imparfaites sera toujours un ouvrage impossible, je n’ai guères fait valoir jusqu’ici dans le Dictionnaire de l’Académie-Françoise que l’habileté admirable avec laquelle elle a évité, presque en tout et presque partout, les erreurs des autres dictionnaires. Mais je serois loin d’avoir rempli tout mon devoir, si je ne rendois, autant qu’il est en moi, une éclatante justice au mérite de ces phrases de définition qui réunissent toutes les qualités d’une définition bien faite, clarté, simplicité, précision, justesse ; et dont il a bien fallu que les dictionnaires rivaux s’emparassent à leur tour, parce qu’il n’y avoit pas moyen de faire mieux. Or, je le répète, la collection des mots qui composent le dictionnaire est un squelette plus ou moins difforme auquel tout le monde est libre d’ajouter quelque membre parasite ou monstrueux. C’est la définition qui en est l’âme, et qui le fait vivre, sentir et marcher. Il n’y a rien de plus aisé pour les hommes qui possèdent les radicaux de quelque langue ancienne, que d’improviser ces mots inentendus, qui donnent un air de nouveauté à la phrase, et qui sont la ressource accoutumée des esprits stériles ; mais une définition exacte, complette et claire, comme celles de l’Académie, est une œuvre de savoir, de goût et de raison. J’en dis autant de ces phrases d’exemple, si souvent et si mal-à-propos critiquées, parce qu’on n’a pas cherché à en faire des modèles élégamment inutiles de style ora-