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écrit indifféremment Charte ou Chartre, dans l’acception d’ancien titre, lettres-patentes, loi fondamentale, constitution. Il faut toujours écrire en ce sens, Charte qui vient de Charta, et ne peut pas venir d’autre chose.

L’origine de l’orthographe abusive chartre, est certainement dans chartrier, archiviste ou conservateur des chartes, qui est un mot bien fait, mais qui vient de chartarius et chartularius, où l’élément nouveau s’est introduit par une nécessité sensible. Dans le substantif radical, il est tout à fait vicieux ; j’aimerois presque autant qu’on écrivît perne de pater, au lieu de père, parce que de paternus on a tiré paternel. Cette fâcheuse cacographie de chartre est encore plus grave sous ce rapport, que chartre est lui-même, dans l’acception de forteresse ou de prison, un mot très françois dont l’étymologie est dans carcer ou dans castrum, et qui nous a fourni une locution fort vulgaire, tenir en chartre privée. Les médecins appeloient chartre jadis, c’est-à-dire du temps où les médecins parloient françois, une sorte de tabes ou de consomption des enfants, qui les retenoit, languissants, dans le domicile de leurs parents, loin de tous les plaisirs de leur âge, et c’étoit une figure vive, ingénieuse et hardie. Une chartre constitutionnelle, au sens étymologique, seroit une espèce de cachot de papier où l’on emprisonne la légalité, et il faut prendre bien garde de donner lieu aux méchantes allusions, même dans les dictionnaires. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’on doit respecter l’étymologie, parce que l’étymologie est le génie des langues, et une conclusion de cette importance me justifieroit peut-être de m’être engagé dans une discussion trop minutieuse, si je n’avois eu à cœur aussi de prouver, par une critique légère, l’impartialité de mes éloges, qui risqueroient fort, sans cela, de paroître suspects. Cette erreur, de peu d’importance, est presque la