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La Requête des Dictionnaires, que personne n’a jamais contestée à Ménage, et qu’il réimprima lui-même en 1652 dans ses Miscellanea, parut dès 1649, in-4o, sous le titre du Parnasse alarmé, et sous le nom probablement supposé du libraire Jean du Crocq. Cette édition originale qui est d’une rareté excessive, passe pour avoir été faite sur une copie dérobée par l’abbé de Montreuil à un autre abbé Giraud, qui avoit en garde les papiers de Ménage. C’est un échantillon de ce burlesque, ordinairement trivial et plat, que l’originalité de Scarron avoit accrédité, et qui se glissa jusque sous la chaste plume de Sarrazin. La poésie de Ménage n’étoit pas forte, et tout le monde en est convenu, excepté lui. La Requête des Dictionnaires n’est donc que l’ouvrage d’un poète extrêmement médiocre, qui, pour surcroît de malheur, écrit dans un mauvais genre. Elle ne pouvoit faire un peu de bruit que dans un temps où l’on avoit le loisir de s’occuper de peu de chose.

Elle ne fut pourtant pas complettement inutile, car il n’est point d’écrit insignifiant pour le vulgaire, dont l’esprit et le bon sens ne puissent tirer quelque parti. Il y réclame avec succès pour le car, si sottement proscrit par Gomberville, qui avoit juré une guerre à mort à cette utile conjonction. Il y proteste contre l’innovation alors en vogue qui féminisoit une foule de substantifs masculins, Doute, Duché, Poison, Reproche, Mensonge, Éventail, Squelette, etc. Il y attaque avec énergie l’impertinente néographie italienne, qui tentoit de s’introduire dans Filosophie, Paragrafe, Iver, Tans, Réome, etc., et qui prévaudra nécessairement un jour, quand M. Marle aura completté la réforme de M. de Voltaire. On voit que l’orthographe françoise lui a quelques obligations. Il est bien entendu que je parle de Ménage.