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posa vers 1560 sur le type grotesque d’un barbier de son temps, nommé Messer Graziano delle Cetiche, du bourg de Francolin dans le Ferrarois. Aussi n’est-elle pas sortie de ce dialecte rustique, du moins chez ses inventeurs, car il seroit possible d’en trouver quelques exemples dans nos parades. En voici un que je prends ailleurs, mais sans m’en éloigner beaucoup, car c’est à la porte même du théâtre où elles se jouoient dans ma jeunesse. Quand madame Saqui, d’aérienne et voltigeante mémoire, afficha des représentations extraordinaires à l’honneur des journées immémorables de juillet, elle faisoit sans le savoir de la langue gracienne, comme le peuple fait des figures de rhétorique et M. Jourdain de la prose.

Le Burchiellesque est la débauche d’un brillant génie, mais fantasque et moqueur, qui s’est précipité dans l’absurde de propos délibéré ; sa méthode, si c’en est une, est d’enchaîner dans des vers réguliers des idées inconciliables qui hurlent, comme on dit, d’être ensemble ; combinaison qui n’a rien d’offensant pour la grammaire, mais qui est faite en dérision de la logique et du sens commun. Ce qu’il y a d’extraordinaire, c’est que le style de cet inextricable fatras, sous lequel Doni cherchoit des mystères comme nous en avons cherché dans les centuries de Nostradamus, reste partout pur, élégant et choisi. L’académie de la Crusca l’a cité parmi les textes de bon langage, et Ginguené remarque à cette occasion que Burchiello est peut-être le seul auteur qu’on ait cité sans l’entendre. Ginguené n’y a pas regardé de près.

Le Coq-à-l’âne de Marot, qui s’est renouvelé du temps de Collé, paroît être imité du Burchiellesque. On ne l’imitera plus. Il faut, pour prendre plaisir à ces jeux, s’y exercer dans une langue qui vient de naître. La civilisation a ses hochets comme les enfants.