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de politique arriérée, on ne marchandoit pas avec les difficultés d’une sage administration. Par un édit dûment enregistré et revêtu du sceau royal, le parlement de Normandie supprima les tavernes, en défendant, sous des peines graves, aux industriels qui les tenoient ouvertes à tout venant, d’asseoir désormais aucun homme du lieu, car cette ressource nécessaire de la fatigue, ou, si l’on veut, ce délassement oiseux de la paresse, ne fut pas interdit aux chalands pérégrinateurs et forains. La liberté de faire venir des vivres et des boissons à domicile resta entière pour tous, et les ménages s’en trouvèrent mieux :

Si un voisin avec son familier
Se veut esbattre, ainsi que de raison,
Il est contraint de boire en sa maison
Et d’envoyer querir du vin au pot.
Par ce moyen, en tout temps et saison,
Femme et enfants ont leur part à l’escot.

Le parlement fit mieux encore, parce qu’il comprit l’utile agrément d’un repos périodique, et d’un rafraîchissement modéré, pour l’ouvrier stationnaire qu’il falloit exercer lentement à la sobriété, et dont une distraction momentanée pouvoit renouveler les forces et le courage, sans risquer de les abattre. Jusqu’alors le peuple étoit allé chercher ce divertissement dans les tavernes où il oublioit tout pour lui ; les tavernes obtinrent la permission d’aller chercher le peuple, mais sous défense expresse de s’arrêter assez long-temps pour lui faire une occupation de ses plaisirs. C’est à ces dispositions municipales, tout à fait dignes de Sparte, que je fais remonter l’origine de l’omnibus-restaurant, qu’il seroit bien possible de trouver ailleurs en ouvrant un bouquin de plus. Seulement, à cette époque modeste où l’on savoit plus de grec et plus de latin qu’à la nôtre, ce n’étoit ni au latin, ni au grec, mais au françois, qu’on alloit deman-